NS Avocats La prescription et l’interruption de l’action en paiement d’une indemnité d’éviction

L’article L145-9 du code de commerce afférent au congé donné en matière de bail commercial rappelle que ce congé doit être donné par acte extrajudiciaire.

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Cour d’Appel de Nîmes, 13 Décembre 2018, n° 17/01900

Il doit, en outre, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

En l’espèce, suivant acte sous-seing privé du 1er juillet 1993, un locataire personne physique prend à bail un local commercial pour y exercer une activité d’artisan potier.

Le 23 décembre 2010, la SCI bailleresse, lui a fait signifier un congé pour la date du 30 juin 2011. Le 27 décembre 2010, la locataire l’a assignée en référé pour obtenir la désignation d’un expert chargé d’évaluer l’indemnité d’occupation.

Par ordonnance du 9 février 2011, un expert est désigné à cette fin et a déposé son rapport le 15 septembre 2011.

Entre-temps, le 30 août 2011, la locataire a quitté les lieux.

Le 2 janvier 2013, elle a assigné la SCI bailleresse, en référé provision, et par ordonnance du 20 février 2013, le juge des référés s’est déclaré incompétent sur la demande de provision au titre de l’indemnité d’éviction en présence d’une contestation sérieuse et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, au fond cette fois.

Le 10 octobre 2013, la locataire a fait délivrer une assignation à son ancien bailleur devant le tribunal de Grande instance de Nîmes mais faute d’enrôlement de l’acte dans le délai de 4 mois, le juge de la mise en état a constaté la caducité de l’assignation par ordonnance du 17 juin 2014. Cette règle vient en application de l’article 757 du code de procédure civile.

Par exploit du 12 juin 2015, la locataire a fait assigner la société bailleresse en paiement d’une indemnité d’éviction et en dommages-intérêts devant le tribunal de Grande instance de Nîmes qui, par jugement du 4 avril 2017, a déclaré irrecevable comme prescrite la demande en paiement de l’indemnité d’éviction introduite par la locataire sortante le 12 juin 2015

La locataire a dès lors relevé appel pour voir infirmer purement et simplement le jugement dont appel, et voir dire et juger son action recevable et non prescrite, mais également qu’elle est en droit de prétendre à une indemnité d’éviction.

La question se posant à la cour d’appel est celle de savoir s’il existe des actes interruptifs de prescription entre le 15 septembre 2011 et le 12 juin 2015, date de l’assignation.

Il convient de rappeler la différence entre suspension et interruption de prescription. 

En cas de suspension du délai de prescription, le délai de prescription cesse de courir, mais la durée prescrite antérieure à l’acte suspensif demeure. Ainsi, lorsque la cause de la suspension cesse, le délai repart, de l’instant précédant la cause de suspension.

En revanche, dans le cas de l’interruption, le temps qui a couru depuis le départ du délai est perdu. Aussi, le comptage part à nouveau comme si le délai n’avait jamais commencé (dans le cas des baux commerciaux, le délai de 2 ans recommencerait).

En cause d’appel, la locataire soutient plusieurs causes d’interruption de la prescription :

  • l’ordonnance du 9 février 2011 ayant ordonné une expertise déposée le 15 septembre 2011, point de départ d’un nouveau délai
  • la procédure de référé engagée par assignation du 2 janvier 2013,
  • le dépôt le 5 août 2013 de la demande d’aide juridictionnelle en vue de la saisine du tribunal de grande instance,
  • l’octroi le 9 septembre 2013 de l’aide juridictionnelle totale, point de départ d’un nouveau délai en faisant valoir d’une part qu’il n’est nulle part indiqué que l’effet interruptif de prescription de l’aide juridictionnelle cesserait avec la délivrance d’une assignation et que d’autre part la caducité même de la décision d’aide juridictionnelle n’a aucune incidence sur l’effet interruptif de cette dernière
  • l’assignation du 10 octobre 2013, nonobstant la déclaration de caducité.

La bailleresse répond que le délai de 2 ans a bien été interrompu par l’ordonnance de référé du 9 février 2011 jusqu’au 15 septembre 2011 date du dépôt du rapport d’expertise mais que pour la suite, les suivants ne sont pas interruptifs de prescription. 

En l’espèce, le congé a été délivré le 23 décembre 2010 mais les parties s’accordent pour dire à juste titre qu’un nouveau délai de prescription a couru à compter du 15 septembre 2011 date du dépôt du rapport d’expertise judiciaire ordonnée en référé le 9 février 2011 par suite de l’assignation du 27 décembre 2010.

La cour d’appel doit donc examiner s’il existe des actes interruptifs de prescription entre le 15 septembre 2011 et le 12 juin 2015, date de l’assignation.

Au visa de l’article 2241 du code civil, l’assignation en référé interrompt la prescription et tous autres délais pour agir, et l’article 2242 dispose que l’effet interruptif de la citation en référé cesse dès que l’ordonnance est rendue.

Or, la locataire a engagé une première action en référé par assignation du 2 janvier 2013 qui est interruptive de prescription au sens de l’article 2241 du code civil, laquelle a donné lieu à l’ordonnance du 20 février 2013 par laquelle le juge des référés a statué.

Il en résulte que le délai de prescription a repris son cours à compter du 20 février 2013.

La bailleresse invoque un arrêt de la Cour de cassation 14 mai 2009 (n° 07-21.094) selon lequel « en se déclarant incompétent en raison de l’existence d’une contestation sérieuse, le juge des référés statue sur la demande, de sorte que cette décision rend non avenue l’interruption de prescription résultant de l’assignation en référé ».

En l’espèce, le juge des référés s’est effectivement déclaré incompétent pour statuer sur la demande de provision au titre de l’indemnité d’occupation et a débouté la locataire sortante de sa demande, après avoir motivé que « la [société bailleresse] oppose à juste titre une contestation sérieuse tenant à la validité de l’exercice du droit de repentir et aux circonstances du départ de la locataire, relevant du seul juge du fond ».

Mais l’arrêt invoqué du 14 mai 2009 a été rendu au visa de l’article 2247 dans son ancienne rédaction et l’article 2243 dispose désormais que « l’interruption est non avenue (…) si la demande est définitivement rejetée »

Ainsi le caractère non avenu de la prescription posé à l’article 2243 suppose que la demande ait été définitivement rejetée, le terme « définitivement » renvoyant à la notion de décision définitive non susceptible de recours.

Or indépendamment du fait que la locataire a choisi de porter son action devant le juge du fond, la SCI bailleresse ne justifie pas de la signification de l’ordonnance de référé rendue contradictoirement du 20 février 2013 de sorte que l’interruption de prescription résultant de l’assignation du 2 janvier 2013 demeure et qu’un nouveau délai a couru à compter du 20 février 2013 par application de l’article 2242 pour expirer le 20 février 2015.

En effet, la signification de la décision à l’autre partie fait courir le délai pour former un recours contre cette décision avant que celle-ci ne devienne ferme et définitive.

L’assignation étant du 12 juin 2015, il convient alors de s’assurer que la locataire peut se prévaloir d’actes interruptifs de prescription depuis le 20 février 2013.

En application des dispositions de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991, lorsqu’une action en justice doit être intentée avant l’expiration d’un délai devant la juridiction du premier degré, l’action est réputée avoir été intentée dans le délai :

  • si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai

et

  • si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter de la date à laquelle la décision d’admission est devenue définitive.

Or, la locataire justifie :

  • qu’elle a demandé l’aide juridictionnelle le 05 août 2013 qu’elle a obtenu le 09 septembre 2013,
  • qu’elle a assigné la bailleresse par acte d’huissier du 20 octobre 2013 dans le nouveau délai ouvert à compter de la notification de la décision d’admission.

Mais cette assignation a été déclarée caduque et il reste constant ensuite qu’une assignation dont la caducité a été constatée n’a pu interrompre le cours de la prescription. Ainsi, l’appelante ne peut pas se prévaloir des dispositions précitées de l’article 38 dont la deuxième branche fait défaut.

Il est inopérant ensuite de conclure sur l’absence d’effet interruptif de prescription de la décision d’aide juridictionnelle octroyée le 08 juin 2015 qui reste hors délais et que Mme G. n’invoque même pas dans ses dernières conclusions.

La décision de première instance sera donc confirmée et l’action est bien prescrite.

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